L’ivresse et l’extase

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Pourquoi une stratégie de la confusion !

    Peut-on parler de stratégie en ce qui concerne la production plastique ? Une des caractéristiques du travail artistique ne réside-t-elle pas dans l’abandon des actions régies par la raison ?

      C’est qu’il faut y distinguer deux qualités de moments ou d’espaces : un premier lieu serait constitué d’une impulsion ou d’un contexte général, structurée, politique, raisonnée, fortement ancré dans le langage et l’autre serait divagant, sans contrôle, détaché du monde. C’est là que s’effectuerait la réification, sous la forme d’objet d’art, de l’intention première. Le lien qui unit ces deux phases se trouve déjà dans cette citation de Liu Xie d’un texte du sixième siècle concernant la calligraphie « Lever le pinceau, c’est comme lever la rame quand on est sur l’eau : la barque continue d’avancer » in François Jullien, la propension des choses paru au Seuil en 1992.

     Le mode opératoire propre au travail plastique serait donc constitué d’alternances entre des tensions intentionnelles et directives, et des relâchements opérationnels et  autonomes. La phase stratégique prendrait donc place dans la partie contextuelle du processus.

     Le type de stratégie à mettre en œuvre pour que l’art survienne consiste alors à procéder de telle sorte que le résultat de la phase sans contrôle excède l’acte de représentation (qui oscille entre reproduction et transformation partielle) par un supplément d’exaltation, dont on peut déterminer deux états paroxystiques : l’ivresse et l’extase. 

L’ivresse et l’extase 

     L’œuvre est inchoative et elle est à l’interface entre deux esthétiques ; une esthétique de production, celle de l’artiste, et une esthétique de réception, celle du spectateur. C’est l’endroit où ces deux postures antagoniques se retrouvent, le moment où la rame levée la barque continue d’avancer.

      L’esthétique de production repose sur une accumulation  (couleurs, formes, actions, références) ; le vertige augmente proportionnellement au nombre d’éléments et aux basculements de leur statut initial dans la confusion (voir la page syncrétisme). Nous sommes dans le territoire de l’excès, celui de l’ivresse.

      L’esthétique de réception est un processus apophatique, qui agit par élimination. C’est une façon radicale de faire le vide, de créer un réceptacle. Nous sommes dans la perspective extatique de l’hésychasme. Pour une version laïque de cette approche, voir Survenue de la contemplation, p.121, de Face à ce qui se dérobe d’Henri Michaux chez Gallimard 1975.  

    Ceci amène deux remarques : certains artistes revendiquent la deuxième posture comme mode opératoire. Chez Reinhardt par exemple on assiste dans les écrits théoriques, à une accumulation d’aphorismes négatifs. Les œuvres sont conçues comme des véhicules vers un absolu artistique, une sorte de tranlatio ad prototypam. Chez Jochen Gerz ou Sophie Calle c’est la réaction des spectateurs ou d’un échantillon de spectateurs qui constitue l’œuvre. De mon point de vue ça appauvrit le travail.

      Le thème récurrent de l’interactivité, particulièrement dans les dispositifs à gestion d’évènements, se ramène dans cette optique à trois postulats : le spectateur est en présence de l’œuvre, il n’y est pas, il n’en est pas loin (voir le dispositif de Loris Gréaud Dark Side sur le blog de Lunettes rouges). Tout autre interaction ne présente aucun sens. C’est pour cette troisième option que je vais opter dans le processus de déclenchement des actions du joueur et de la lampe.        

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