Composition (I)

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Post réferent : Pourvu, pourvu qu’on ait l’ivresse (II)

La composition est un des moyens de hiérarchiser une surface afin de structurer les éléments qui la composent en fonction d’un objectif de représentation. On  peut intervenir à quatre niveaux.

  1. On hiérarchise les éléments picturaux en fonction de l’importance qu’ils revêtent dans ce qui est représenté (le personnage le plus important est celui qui occupe la place la plus importante dans la réalisation). 
  2.  On détermine dans  la forme du champ des zones de forces indépendantes de son contenu (les bords, la zone centrale, la proximité des diagonales, le rabattement des petits côtés, nombre d’or..)
  3. On intervient sur les relations entre le contenu de l’image et la surface comme zone de projection uniforme (c’est l’organisation poussinienne par plan : coulisse, premier plan, succession d’arrières plans)
  4. On  « balise » un parcours pour le spectateur dans l’image en fonction du trajet qu’on veut lui voir effectuer.

 La littérature est abondante sur le sujet, je me contenterai de citer les grands classiques du genre :

 La base de la base Sur quelques problèmes de sémiotique de l’art visuel : champ et véhicules dans les signes iconiques de Meyer Schapiro paru dans Critique en 1970.

 La géométrie secrète des peintres de Charles Bouleau au Seuil, 1963. Les ouvrages de Matila Gykha sur le nombre d’or chez Gallimard, 1973.

En ce qui concerne le système poussinien et ses justifications, l’excellent ouvrage de Rensselaer W. Lee Ut pictura Poesis chez Macula, 1991.

Le terme de composition est tombé en désuétude pour les œuvres contemporaines. C’est une notion qui a basculé du savoir-faire de l’artiste au « travail du spectateur ». Buren, Serra ou Smithson ne composent pas leurs œuvres, mais ils organisent leur appréhension sous forme de points de vue ou de trajets. Certains genres comme les performances ou les installations sont encore plus rétifs à une organisation spatiale aussi adhérente à la notion de surface et empruntent à leurs domaines de références leur hiérarchisation de valeurs (théatre, cinéma, architecture). L’utilisation des systèmes informatiques pour la réalisation de certaines œuvres (« Tu » de Thierry Kuntzel par exemple) et la modification de la gestion des interfaces qu’elle entraîne apporte aussi  des transformations intéressantes. Deux ouvrages synthétisent plutôt bien cette mutation. Langage of new media de Lev Manovitych au MIT en 2001 et le petit livre fort intéressant d’Olivier Quintyn Dispositif, dislocation paru chez Al Dante en 2007.

Pour revenir au travail en cours, la particularité de la gestion compositionnelle d’un polyptyque réside dans le déséquilibre de son format global. Les trois panneaux de « Pourvu qu’on ait l’ivresse » présentent un rapport proche de 3 sur 1 (le rapport pour une  télévision  est de 1.3 pour 1). Lorsque le triptyque est un retable, ça pose moins de problèmes, les trois panneaux sont sur un support et se présentent rarement totalement frontalement, on a un renvoi des panneaux latéraux vers le panneau central, ce qui permet de focaliser l’organisation sur lui. Si le triptyque est accroché au mur, ce qui est la destination du mien, on se trouve plutôt dans le cas de figure d’une fresque. C’est à ce titre que je cite le « pass of least resistance » de Benton. Fresquiste, régionaliste américain, professeur de Pollock (c’est évidemment tentant d’extrapoler sur l’influence réelle exercée sur Pollock avec ce qui suit, bien que celui-ci s’en soit défendu) Benton développe une théorie compositionnelle structurée, qui agit sur les niveaux 2 et 4 précités. Il développe sa théorie dans les numéros de novembre 1926 à février 1927 de la revue The Arts sous le titre Mechanics of form organization in painting. Le principe directeur est de parvenir à un état d’équilibre : « the parts must be need in a state of balance ». Pour l’obtenir on organise la composition en opposant les éléments dynamiques à des éléments statiques. Les éléments stables sont les lignes parallèles aux bords du tableau. Plus on s’en éloigne, plus l’élément est dynamique et doit être équilibré avec une contre forme. On obtient ainsi des schémas de ce type.

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Lorsque la longueur de l’œuvre devient trop importante, il organise autour de verticales intermédiaires des pauses d’équilibre appelées « Passages de moindre résistance » qui rythment régulièrement la surface.

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Il reste ensuite à établir une connexion dynamique entre les différentes pauses.

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Dans le cas qui nous intéresse, il n’y a pas de recherche d’équilibre, mais au contraire l’idée est de bloquer le regard du spectateur, juste avant le panneau droit dont l’organisation compositionnelle a pour objet de renvoyer le spectateur au centre du dispositif, afin d’accentuer l’impression de circuit fermé (voir la page « Ivresse » en cours de réalisation).

 

 

 

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